Dix-huit photographies qui racontent une journée d’hiver sur la côte sud de l’Islande en mars 2015. En compagnie de mes amis Fred, Antoine, Nini et Benoit, sans oublier l’unique et indispensable Gummi notre chauffeur islandais.
Nous avons longé la côte sud, de Skogafoss jusqu’à Kirkjubæjarklaustur, soit une distance de 110 km à peine. Mais quelle journée ! Tant de beautés sur le parcours, à en donner le vertige.
J’ai souhaité parcourir cette piste (F338) en éclaireur. Je voulais vérifier si elle réservait des surprises ? Si on passe outre les délices de solitude qu’elle offre au voyageur, il n’y a pas grand chose à voir. Et puis, elle est parcourue par de nombreuses lignes à haute tension ce qui n’arrange rien.
Pourtant, il est possible d’y croiser ces jolis oasis, petites fleurs fragiles dans un désert hostile.
Reconnaissable entre tous, le Kerlingarfjöll et ses « montagnes caramel » font partie du voyage. Je n’y ai toujours pas trouvé la lumière espérée, mais il ne pleuvait pas, c’est déjà ça!
Sur la passerelle de bois j’ai croisé 3 jeunes randonneurs tout juste rentrés d’une semaine passée dans le Hornstrandir (extrême Nord des Westfjords, zone très isolée accessible uniquement par bateau). L’un d’eux m’a montré sur son reflex la minute rêvée où il a pu y filmer une mère renard arctique jouant avec ses petits.
On y trouve des plages désertes recueillant du bois flotté provenant de Sibérie. Les précédents visiteurs ont laissé un message, ce drapeau islandais bricolé avec soin, on ne sait trop pourquoi, je ne sais trop pour qui, mais je lui rends hommage ici.
Arrivés à Djúpavík à presque 23h, nous découvrons quelques maisons regroupées autour du monument historique de la ville : la cheminée de l’usine de hareng.
Comme dans beaucoup de villages islandais les enfants improvisent un petit marché fait de bric et de broc, de cailloux, de coquillages et de petits morceaux de bois flotté.
Andy était si content de trouver des enfants dans une région (Norðurfjörður) où ne vivent que 56 habitants.
Nous voici à l’intérieur d’un des silos de l’usine. Entièrement fermé, outre le charisme visuel du lieu (les lignes fuyantes de métal rouillé, la matière de ses murs décrépis), la résonnance à l’intérieur est unique et je ne peux m’empêcher d’y pousser des notes qui se répètent à l’infini.
Petite précision : il n’y a pas de porte, il faut s’y flisser à travers le trou que vous apercevez sur la gauche.
C’est dans ce silo que Sigur Rós a enregistré ce morceau (que j’aime infiniment) :
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Anecdote : Cet endroit m’a fait découvrir un destin. Claus est allemand. Passionné – je le cite – par les îles, les endroits reculés et / ou abandonnés, sa vie va basculer quand en 2003 sa petite amie d’alors (« she probably wanted to get rid of me » me dit-il avec malice) lui montre un article de journal parlant de l’hôtel le plus isolé du monde et de l’usine qui lui fait face. Djúpavík. Tout ce que Claus désirait était là.
Claus a tout quitté : pays, petite amie. il est devenu facteur à Reykjavik afin d’être au plus près, le plus souvent possible, de « son » usine de Djúpavík.
Ce ponton fait face à Djúpavík, la ville du bout du monde. Quand je dis ville, je mesure mes propos puisque ce ne sont que quelques maisons qui la composent dont la moitié sont abandonnées.
Au milieu du village vous trouverez le merveilleux Hôtel Djúpavík dont les propriétaires Eva et Ásbjörn sont les seuls à résider ici toute l’année depuis 1984.
J’y passerai une nuit dans la chambre n°9 en août 2016.
On trouve dans les Westjords ce genre d’abri insolite. Situé sur un plateau venteux le marcheur égaré, le cycliste épuisé y trouvera refuge pour la nuit. Difficile de résister à la curiosité : que trouve-t’on à l’intérieur ? Allons jeter un oeil.
Voici le cahier que j’y ai trouvé. Ils sont – à mon sens – des objets aussi précieux qu’esthétiques, patinés par le temps et les intempéries, remplis de l’énergie des gens de passage, seuls véritables témoins du lieu. Jusqu’à la couverture celui-ci est rempli, qui aura la bonne idée de laisser un nouveau cahier pour continuer l’histoire ?
Le problème n’est pas tant d’avoir l’idée, mais tient surtout dans le fait qu’on se balade rarement dans ces contrées avec un cahier vierge ! À retenir pour les prochaines fois.
J’aime cette photo mais je comprendrais que vous n’y voyiez aucun intérêt.
Elle raconte le côté rugueux de la rocaille islandaise, la difficulté d’y construire une piste. On prend un plaisir immédiat au gigantisme du camion qui prend toute sa dimension grâce à Andy.
Voici le contenu de la navette spatiale : des banquettes de moleskine, une couverture élimée et un chauffage à gaz. Une tablette sur laquelle on trouve quelques bougies et de la nourriture laissée par les précédents visiteurs (provenant si possible du pays d’origine pour marquer son identité).
Il y a une idée de transmission dans ces refuges : je laisse un message (nom, date, nationalité, quelques mots, petits croquis pour les plus audacieux) qui témoignera de mon passage et animera la soirée du randonneur solitaire. Un peu de nourriture. On trouve aussi un transmetteur radio pour les appels d’urgence.
Vous apprécierez le titre du roman, judicieusement choisi.
Les falaises de Latrabjarg, extrême ouest du pays, reçoivent en cette fin de journée les feux d’un soleil épousant l’horizon.
Les premiers oiseaux que nous apercevons sont ces petits pinguoins, oui oui, ce sont des pinguoins Torda, « Razorbill » en anglais.
La population de macareux (« Puffins » en anglais) a très nettement diminué en Islande sans que l’on s’explique pourquoi. Passée de 5 millions à 2 millions en quelques années, on ne trouve plus ces adorables compagnons que dans quelques coins, et de façon sporadique. Terrifiant ! Je n’en ai par exemple pratiquement pas vu dans les Iles Vestmann dont ils sont pourtant l’emblème.
J’ai heureusement pu en observer sur les falaises de Látrabjarg, unanimement reconnues comme un des plus beaux « spots » à oiseaux marins du monde. Nous étions d’ailleurs nombreux ce jour-là. Etonnant de voir ces photographes parcourir le monde avec leurs énormes téléobjectifs en quête de quelques volatiles.
Ne prêtant aucune attention aux paysages, ils viennent directement ici. Leur truc c’est les oiseaux et puis c’est tout.
C’est toujours un plaisir de retrouver Reykjavik. Une ville où je me sens bien et qui invite à la flânerie. À peine arrivé je suis monté vers le vieil hôpital y photographier cette église néo-gothique, en prenant soin de mettre la cathédrale en arrière plan. Nous sommes le 11 juin, il est 23h25 et le soleil irradie la ville.
Kjartan Halldorsson est un ancien pécheur, c’est le créateur du chaleureux restaurant le Sea Baron où je me précipite pour dévorer quelques brochettes de poisson. Kjartan est là tous les soirs, passant de table en table armé de son sourire et distribuant des bonbons aux enfants. Il décèdera en 2015, une statue de cire à son effigie (un peu effrayante il faut avouer) lui rend désormais hommage dans le restaurant.
J’ai profité de l’invitation de Bjorn Hroarsson, géologue et créateur de l’agence Extreme Iceland pour aller explorer une des plus grandes grottes de lave du monde. Bjorn a découvert Buri Cave en 2005. Elle fait 1 km de long jusqu’à un gouffre plongeant dans les entrailles de la terre.
« Entrailles » est un mot choisi tant l’analogie est frappante entre ce « boyau terrestre » et celui d’un corps humain.
Gjain Canyon est un endroit paradisiaque niché non loin des chutes Haifoss et Granni. On y trouve un dédale de cascades dans une végétation luxuriante, ce qui est assez rare en Islande.
Voici Haifoss, une des splendeurs d’Islande à laquelle je suis particulièrement attaché : c’est la première chute que je suis allé voir en 2009. Haifoss et sa voisine Granni m’acceuillent toujours sous un déluge de grèle et de pluie, je prends cela pour de la bienveillance islandaise.
Veiðivötn (la région des 50 lacs) est une zone reculée des Highlands, très prisée des islandais amateurs de pèche. Il faut obligatoirement un 4×4 pour l’atteindre et franchir les deux gués de la F228.
Tempête de grêle sur la F228. Comme du gros sel sur le sable islandais. Pour une image presque, presque noir et blanc.
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BONUS VIDÉO
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Revenons à notre premier soir à Reykjavik. Il est 23h, Andy et Emilie sont dans la voiture pendant que je fais des photos du Sólfar, le drakkar islandais, au soleil couchant. Andy est fasciné par la grosse Cadillac de papa. Nous dormirons dedans 23 jours durant.
Ami qui lit ces lignes, songe que nous sommes le 8 août 2009. Sur la plage reposent ces incroyables blocs de glace, le moment est magique pourtant je suis seul, en pleine « haute saison », pas un photographe, pas un touriste à l’horizon.
Les choses ont bien changé depuis. Je sais.
Je ne connaissais pas les montagnes de Stokksness lors de ce premier voyage. Le ciel était couvert et puis j’étais trop excité d’explorer les fjords de l’est d’où l’on aperçoit cette île mystérieuse nommée Skrúdur Island.
Elle fait partie des surprises croisées sur la route, tout près de Seyðisfjörður. Pourtant facile d’accès, personne ne prète vraiment attention à cette chute. Je veux réparer cet affront ! Moi je la trouve belle et digne d’intérêt. Voici Gufufoss, « La chute vaporeuse »…
Hallormsstadur est une « forêt » islandaise qui borde le lac Lagarfljót. On y chemine sur des sentiers bordés de fleurs multicolores, de baies sauvages, d’un sol moussu parsemé de champignons. Un vrai ravissement.
Nous nous lançons sur la mythique F910 qui permet d’atteindre Askja. Cette piste offre le sentiment de s’enfoncer dans la mythologie des peuples vikings.
Ces terres isolées étaient autrefois des zones réservées aux criminels condamnées à l’exil, privés pour l’éternité de tout contact avec la civilisation.
Nous avons loupé un embranchement de la F910 et nous voilà sur le barrage de Kárahnjúkar en pleine construction ! Aucune interdiction, aucune barrière pour nous prévenir du danger, nous voici au milieu d’énormes engins de chantier sous le regard incrédule des ouvriers. Question : qui peut me dire comment ces voitures sont descendues au fond du canyon ?
Askja et son Viti turquoise, c’est comme Rome ou Paris, il faut le voir une fois dans sa vie. On peut s’y baigner, l’eau est à 25 C° mais comment dire… aller barboter seul dans ces eaux opaques, probable nid à monstre marin… disons que j’étais concentré sur mes photographies. Ah oui et puis il était tard, on avait pas le temps.
Nous nous sommes fait cueillir par un sacré grain cette fin de journée, de ceux qui vous surprennent en haute montagne. Très dangereux en cas de brouillard, on peut vite être désorienté.
Il est encore tôt et nous sommes les seuls à faire le tour du Viti face au solfatares de Leirhnjúkur. Il fallait saisir la chance de cette anamorphose : le coeur n’était visible que de ce seul point de vue.
Je voue une véritable passion pour le Hverfjall, j’éprouve envers lui quelque-chose de… magnétique. Combien de fois en ai-je fait le tour ? je ne sais plus. Quelle pureté, quelle majesté… La puissance de la nature a laissé ici sa signature.
Plus loin un autre bassin où la trempête est possible, mais l’eau est beaucoup plus chaude (autour de 45C°) aussi il faut faire attention, on est pas loin de la cuisson !
Voici Grjótagjá, à l’abri d’une faille que l’on trouve à Mývatn. Grjótagjá se trouve tout près du fabuleux cratère Hverfjall.
Les pseudo-cratères de Myvatn. Peut-être vous demandez-vous pourquoi « pseudo » ? Parce-que ces cratères sont l’effet du bouillonement du sol du à une éruption voisine, ils n’ont pas de cheminée.