VOL VERS MYKINES

Le 27 janvier 2017

  

Je tenais absolument à voir l’île de Mykines.

Elle devait faire partie de ce voyage.
Oui mais voilà, ça n’est pas simple au mois de janvier.
Seules 10 âmes vivent là-bas, emmitouflées dans un hiver long et rigoureux.
Je n’ai nulle part où dormir.
Et puis, comment y aller ? L’océan est enragé.
Il n’y a guère que l’hélicoptère. Note que ça, ce n’est pas pour me déplaire.

Je vais voir Sölvi et l’équipe de Visit Vagar à l’aéroport. Mykines fait partie de leur territoire, eux-seuls pourront peut-être m’aider ? Coup de chance, on me dit qu’un prénommé Johan se rendra sur Mykines dans 3 jours et qu’il connait très bien l’île. Il pourra surement trouver à me loger.

« Il sera sur le vol de vendredi ».

Des vols en hiver il n’y en a que 2 ou 3 par semaine, et encore il faut prévoir large car c’est fonction de la météo. Si le vent est mauvais on repousse d’autant que nécessaire.

Je prépare mon sac photo, des vivres pour 3 jours et du vin. Un whisky aurait fait plus corsaire mais au feu de l’orge je préfère de loin la douceur du raisin.

Je prévois de partir deux jours : départ le vendredi 27 janvier à 15h, retour le dimanche 29 à 12h30.

– Mais comment ferai-je pour reconnaitre Johan. Je ne sais rien de lui, je n’ai même pas son numéro ?
– Vous n’en avez pas besoin. Il sera là, c’est tout. Ne vous inquiétez pas. Il est au courant.

J’ai donc rendez-vous avez un homme dont je ne sais rien d’autre que le prénom… dans un hélicoptère. Certes la surface n’est pas vaste mais cela reste un des meeting point les plus improbables que j’ai vécu.

Le jour J je me présente à l’héliport de Tórshavn. Le soleil décline déjà, la lumière est belle. Je sens que je vais vivre une expérience hors du commun.

 

L’hélicoptère arrive. Il est impressionant avec sa capacité de 12 passagers + 2 pilotes. Les îles Féroé en possèdent deux, ils sont utilisés pour de nombreuses missions (dont le sauvetage) et peuvent charger jusqu’à 2 tonnes de matériel.

 

Je charge mon sac photo dans la soute. Première bonne nouvelle : la cabine de pilotage est ouverte je vais donc pouvoir la photographier. Deuxième bonne nouvelle : nous ne sommes que 3 passagers ! Je m’installe dos à la cabine pour être au plus proche des pilotes. Des casques anti-bruits sont à disposition. Je m’en dispense. Je veux tout entendre, tout ressentir.
Les portes se ferment, chacun boucle son harnais. La machine siffle et s’arrache du sol dans un grondement, le nez pointé vers le ciel. Il fait très chaud, surement à cause des moteurs (ou bien est-ce mon coeur qui s’agite ?). La question qui me hante est : vais-je pouvoir ramener des photos de cette expérience ? Qu’importe le grain (la lumière est basse et le ciel couvert), l’épaisseur du plexi (qui donne cette teinte un peu jaunie), ce que je veux c’est partager l’émotion ressentie.

 

La chance est tout de même avec moi : je suis tout à mon aise, seul sur ma banquette de 4 places.
Il a fallu faire un choix d’optique avant de grimper. J’ai ressorti mon 17-40 f4 (de tous mes voyages depuis 2009), un grand angle pour avoir le point de vue des pilotes. Je cale entre mes pieds le 100-400 f4.5-5.6 II, il me servira plus tard quand nous aurons pris un peu de hauteur.

 

Nous faisons un premier arrêt sur Koltur, j’apercevois ses fermes de pierre datant du moyen-age, Heima í Húsi.

 

Nous sommes maintenant au dessus de l’océan, la vue est incroyable, je tente une photo au grand-angle. En face nous voyons la pointe ouest de Streymoy nommée Pálurin.

 

On aperçoit le sud-est de Vágar et son fjord en forme de Y. Nous fonçons vers l’aéroport, seconde halte de notre trajet.

 

Nous survolons à présent le Sørvágsvatn. Sur la peau du lac on voit les bourrasques de vent. Au loin l’océan.

 

Petite pause sur la piste d’atterrissage de Vágar puis nous faisons cap vers le sud. Ce n’est pas le chemin le plus court vers Mykines (ouest) mais c’est surement pour sortir au plus vite du couloir des avions.

 

Cela me permet de découvrir la côte écorchée du sud de Vágar. En haut à droite on aperçoit Sørvágur.

 

Nous approchons de la pointe ouest de Vágar.

 

Voilà le point de vue que j’espérais tant : Tindhólmur, l’îlot emblématique des îles Féroé se dévoile.

 

Je découvre sa face sud, seulement visible depuis la mer. À droite la non moins célèbre arche de Drangarnir.

 

Il a un profil si particulier, comme s’il avait été tranché par une lame.

 

Nous approchons de Mykines. Je capture quelques détails.

 

Le voici enfin ce village du bout du monde, niché au creux de la vallée. L’océan est déchainé, à certains endroit l’écume prend des teintes jaunes. Je trouve ça beau, ça ressemble à un tableau.

 

On aperçoit le débarcadère situé dans la faille, en contre-bas de l’héliport. Et on comprend pourquoi il est impossible d’atteindre Mykines en hiver par la voie des mers !

 

Nous contournons le relief avant d’atteindre l’héliport. J’aperçois quelques cabanes à bateau sur ce récif.

 

Nous voilà posés. Il est 15h38. Nous avons mis exactement 32 minutes depuis Tórshavn.

 

L’hélicoptère embarque deux passagers. Je le regarde s’élever dans les airs.

 

À coté de moi se tient un homme, grand et fin, son regard est perçant.
Il me tend la main.
Are you Michael ? I’m Johan. Nice to meet you. Follow me.

 

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Ce voyage a été réalisé avec le soutien de Visit Faroe Islands

 

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PREMIER JOUR AUX ILES FÉROÉ

 

PREMIER JOUR AUX ILES FÉROÉ

21 janvier 2017

J’avais le coeur gros lorsque je débarquais sur le sol féroïen en provenance de Reykjavik ce mois de janvier 2017. Je ne venais pas de Paris, linge plié dans un sac bien rangé non, je venais d’affronter 10 jours durant les Westfjords islandais.

Cela faisait longtemps que je m’étais fait cette promesse.

10 jours de solitude à arpenter les fjords, les tempêtes de neige et les routes bloquées, la nuit qui tombe à 15 heures et des paysages qui vous laissent en lambeaux.

Le déclencheur fut l’amour d’une fille que j’avais croisé l’été 2016, un « amour de vacances » dans les Westfjords. Cela n’est pas commun vous me direz, de rencontrer quelqu’un dans ces contrées. Le magnétisme, la magie de l’endroit avait du nous troubler. Las, l’histoire n’a pas duré mais j’ai voulu revenir, marcher dans nos pas pour revivre sur le 66e parallèle ces instants partagés.

Mal m’en a pris : mélanger tempête et cœur blessé ne fut pas la meilleure de mes idées. Vous découvrirez bientôt ce voyage qui, s’il fut éprouvant, m’a permis de tenir ma promesse : découvrir les Westfjords en janvier.

Et puis vint le temps de changer. Prendre l’air. Découvrir une nouvelle terre. Une cousine, une sœur de l’Islande : les îles Féroé.

La décision fut prise quelques semaines auparavant suite au soutien de l’équipe de Visit Faroe Islands.

Cela va te surprendre mais je n’avais rien préparé, rien lu, rien vu sur les Iles Féroé. Je voulais me sentir comme un naufragé, débarquant là sans rien connaître, faisant ainsi de chaque route, chaque chemin, un trésor de découverte. Cette aventure durera 18 jours. Voici le récit de ma première journée.

Première lueurs sur Tórshavn, capitale des Iles Féroé

Je séjournais à l’Hôtel Foroyar. Tout le monde le connaît. C’est LE grand hôtel des Féroé. On y célèbre les mariages, les grands évènements, on y reçoit les présidents (Bill Clinton a laissé son nom à une suite). Nichées dans le sol et surplombant la ville, les chambres donnent toutes sur la baie. Chaque matin c’est un miracle de couleurs, de lumières et de reflets.

 

Lever du jour sur le port de Tórshavn

D’ici on aperçoit le port. J’aime les villes qui ont un port. Je me suis souvent dit que c’est un parfum qui manque à Paris.

Kaldbaksfjørður au lever du jour

Qu’allais-je faire de cette journée ? Je n’ai écouté que mon désir, celui de tourner à gauche en sortant de l’hôtel et prendre la 50, cette ancienne route souvent plongée dans le brouillard qui parcourt l’épine dorsale de Streymoy. C’est une des plus belles routes des Féroé, pourquoi résister ?

La lumière remplie le fjord Kollafjørður

Qu’on ne s’y trompe pas. La lumière ne se répend pas comme un liquide.
Elle est solide, compacte, c’est un serpent de photons qui se glisse lentement dans les creux du Kollafjørður.

Montagne du Landmannalaugar en Islande

Passé le long tunnel me voici sur Vágar. Depuis Sandavágur on aperçoit d’autres îles dont je ne connais pas encore le nom. J’observe le spectacle. La lumière est basse, puissante et fragile à la fois.

Randonnée sur les rives du Sørvágsvatn

Je me dirige vers LE LAC. Sur tous les plans il sème le trouble. Pour commencer il a deux noms : Sørvágsvatn ou Leitisvatn, c’est selon. Les féroiens l’apellent « Le lac », cela résout ainsi la question.
Trouble visuel ensuite car ce lac semble suspendu au dessus des flots comme les jardins sur Babylone. Je passe ma première heure à longer ses eaux calme. Le contraste avec l’océan au loin est frappant.

Lumière sur Trælanípa, la falaise aux esclaves

Arrivé sur les falaises Trælanípa je prends la mesure des éléments qui me font face. Ici tout n’est qu’angle droit. Horizontales et verticales forment le paysage. La nature joue les Mondrian.

Je m’aventure sur les sommets. J’atteins le point de vue tant espéré. D’ici on s’offre l’impensable, les éléments se jouent de la réalité. Je m’aventure tout près du bord. Le vent souffle si fort, 200 mètres plus bas l’océan est déchainé. D’une main tremblante je tiens le boitier, de l’autre j’agrippe le rocher.

Vue sur le lac Sørvágsvatn et Geituskorardrangur

Plus bas j‘aperçois la chute Bøsdalafossur, cordon ombilical qui relie les eaux claires et les eaux salées. Juste derrière les Geituskorardrangur, canines de basaltes de la côte sud de Vágar. Là-bas tout au fond l’île de Mykines qui me fait tant rêver.

 

Balade sur les falaises de Ritubergsnøva

Je voudrais rester ici, en profiter, mais j’ai un autre projet pour la journée. Il est 12h30, j’ai une heure pour rejoindre la voiture… cela nous donne 13h30 ? ok. Le soleil se couche à 15h58 précises. J’ai 3 heures pour franchir la montagne.

Trøllkonufingur et une petite maison à côté qui montre sa taille gigantesque

J’ai pressé le pas et ce petit quart d’heure d’avance me permet de tenter d’approcher le doigt de tröll, le «Trøllkonufingur».

Il est aussi haut que la tour Eiffel (313 m) pourtant je ne sais comment l’atteindre, il se dérobe à chacun de mes pas. Je marche à travers une lande gorgée d’eau, sautant les clôtures, m’extirpant des buissons, en quête d’un point de vue qui lui rende toute sa majesté.

Le village de Bøur et son église

J’ai retrouvé la voiture. Il est temps de faire route vers l’ouest, il est déjà 14h passé. Je m’arrête à Bøur, hypnotisé. C’est le plus beau village que je n’ai jamais croisé.

Je passe cette rivière puis gare ma voiture au bout d’un chemin. Là je prends mes deux boitiers autour de mon cou et m’apprête à grimper la montagne Heinanøva qui culmine à 612 mètres.

Quel est mon but ? Eviter le tunnel et rejoindre Gásadalur à pied, par la montagne. Mais pourquoi ?…

Vue sur le fjord Sørvágsfjørður

Jusqu’en 2004 Gásadalur « la vallée des oies » était un des villages les plus isolés au monde. Le seul moyen de l’atteindre (ou de le quitter !) étaient d’arpenter un sentier de 3,5 km qui passe par la montagne. Ce tracé escarpé de 2h30 était utilisé par le postier trois fois par semaine quelles que soient les conditions climatiques.
Je voulais marcher dans ses pas pour lui rendre hommage et profiter des points de vue incroyables sur Sørvágsfjørður, Tindhólmur, et Mykines. Je ne voulais pas découvrir Gásadalur autrement que par les yeux du postier.

Tindhólmur au coucher du soleil

Je ne vous cache pas que, démarrant cette randonnée à 14h30 seul et sans lumière, j’étais un peu stressé. Mais je me suis offert pour les mêmes raisons un soleil couchant et Tindhólmur à contre jour, accompagnés de fulmars frôlant mon épaule à chaque fois que je m’approchais du vide.

L'ile de Mykines et un oiseau

Quel sentiment d’exaltation à la découverte de Mykines, proue des îles Féroé, silencieusement posée sur l’océan face à moi. Elle semble déserte et pour cause : seuls 10 habitants y trouvent refuge, nichés dans une vallée sur le versant ouest, de l’autre côté.

Je ne le sais pas encore, mais j’irai quelques jours plus tard en hélicoptère (seul moyen de l’atteindre en hiver) rejoindre le village de Mykines pour y vivre une aventure extraordinaire (à lire dans un prochain récit).

Gásadalur et sa chute Múlafossur

Arrivé au sommet la vue est indescriptible mais je dois faire vite car le ciel s’assombrit.

Je cavale sur le sentier qui descend vers le village. La pente est raide et les cailloux roulent sous mes pieds. J’atteins bientôt la route et me dirige vers Múlafossur, la chute emblématique de Gásadalur.
Il n’y a personne. Le fracas des vagues couvre mon vague à l’âme.
L’image est irréelle et les sensations, immenses.
Je pose mon trépied car la lumière a disparu. 30 secondes me seront nécessaire pour capturer cette image.
Il est 16h57.
Dans une minute il fera nuit.


 

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